Quand j’ai commencé à prendre connaissance des nombreux meurtres de la fin des années 70 au Québec, deux cas de femmes non-identifiées avaient attiré mon attention. C’était le cas de deux jeunes femmes non-identifiées trouvée mortes en 1977 à Longueuil et en 1979 à Dorval. J’ai voulu d’abord vérifier si ces cas avaient été résolus ultérieurement. La fille de 1977 était apparemment toujours non-identifiée et celle de 1979 avait été identifiée au nom de Maria Dolores Bravo mais son décès n’avait toutefois pas connu d’éclaircissement. J’ai ensuite demandé aux archives si je pouvais obtenir le rapport du coroner. On m’a alors répondu que ce ne serait pas possible étant donné que je ne connaissais pas le nom de famille. J’ai répondu aux archives que ce décès faisant partie d’une série de morts violentes, cette inconnue m’apparaissait peut-être comme un maillon important et que par le numéro de dossier de Jocelyne Houle, une autre victime retrouvée qu’une semaine avant, ils pourraient peut-être retracer le dossier de cette fille. À cette époque, je ne savais pas encore comment fonctionnaient les archives judiciaires. Nous étions en 2016 et je faisais mes demandes par courriel. On m’a donc répondu qu’ils allaient tout faire pour me la trouver. Les archivistes étant animés par la passion de la recherche, je n’étais pas étonnée d’une telle réponse. Je l’ai donc reçu quelques temps après. Aujourd’hui, je me dis que ce précieux individu m’a probablement trouvé le dossier en passant au travers du (ou des) petits bacs de classification de la fatidique année 1977. Chaque personne comme ça contribue à de possibles résolutions.
Donc je pouvais enfin lire le rapport de cette Jane Doe. La première page, curieusement, était une feuille d’identification à la morgue. Trois jeunes femmes identifiaient leur amie Johanne. Ensuite, il y avait des notes sténographiques du coroner et l’autopsie réalisée par le docteur Claude Pothel. L’inconnue avait été retrouvée sur le chemin du Lac à Longueuil le 2 avril 1977 (très près de l’endroit où avait été trouvée Sharron Prior deux ans plus tôt). Elle était nue, enroulée dans un drap de couleur verte. Elle était en état de putréfaction très avancée, ce qui n’a pas permis au Docteur Pothel de déterminer la cause du décès, les organes internes étant autolysés. Aucune marque de violence évidente n’avait été relevée, sinon que la femme avait plusieurs pétéchies au visage, comme si elle avait reçu des petits coups en piquetés. Après quelques semaines à tenter d’identifier la fille, le coroner, Maurice Laniel, avait ordonné que l’on procède à l’enterrement du corps. Le mystère entourant cette femme semblait avoir attiré des curieux en plus des visites à la morgue de plusieurs familles voulant vérifier si l’inconnue était celle qu’elles recherchaient. Maurice Laniel a déclaré la jeune femme inconnue car aucune identification n’avait été faite à sa satisfaction.
Pourquoi donc une feuille d’identification au nom d’une Johanne de St-Hubert était au dossier? Était-ce une erreur? Sachant que plusieurs familles s’étaient présentées à la morgue, pourquoi cette feuille seulement? Et peu importe toutes ces réponses, comment trois amies pouvaient avoir signé une identification sans que ce soit la bonne personne? Et pourquoi le coroner n’en était pas satisfait? Pour moi, l’inconnue était probablement cette Johanne mais ce n’était pas hors de tout doute. J’ai donc cherché l’historique de cette femme par les informations qui étaient au dossier. À une certaine époque, tout fait divers dans les journaux était accompagné des adresses des personnes nommées. Ainsi, en entrant l’adresse de Johanne, j’ai trouvé une notice nécrologique d’un adolescent de 13 ans, au même nom de famille et à la même adresse, qui était décédé par noyade durant les vacances.
Plus récemment, je me suis peaufiné sans le vouloir en généalogie. Cet outil est très pertinent quand on cherche des détails sur des gens et surtout quand on cherche à établir sans aucun doute l’identité de quelqu’un. J’ai donc eu l’idée de chercher l’avis de décès du petit garçon, probablement frère de Johanne. Avec cet avis, j’obtenais alors le nom de famille des deux parents. En entrant cette fois le nom des parents dans les fichiers Lafrance, j’ai eu la chance de trouver l’avis de baptême de Johanne. J’avais maintenant sa date de naissance. J’ai ensuite entré son nom avec sa date de naissance en avis de mariage. Johanne s’est mariée en 1992 dans sa ville natale, sans l’ombre d’un doute.
Johanne n’est donc PAS l’inconnue.
Plus important encore, l’inconnue est donc réellement NON-IDENTIFIÉE.
Comment une jeune femme trouvée morte en 1977 n’a pas pu être identifiée? Est-ce qu’elle venait d’ici? Et si elle venait, par exemple d’un autre pays au sud de nous, l’auteur de certains meurtres d’ici venait-il d’ailleurs?
Je travaille encore à fouiller le répertoire des disparitions aux États-Unis et au Canada de la fin 1976 jusqu’à mars 1977. Je commence aussi à évaluer la possibilité que des criminels notoires ayant été épinglés beaucoup plus tard aient fait plus de victimes que prévus…
*Mise à jour 9 avril 2021 : nos recherches avancent. À suivre.
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Pour l’histoire de l’autre victime, Maria Dolores, voici le texte de Kristian Gravenor:
http://coolopolis.blogspot.com/2019/02/mysterious-death-of-17-year-old.html
Site Who killed Theresa:
Sources: enquête du coroner à BAnQ Vieux-Montréal, article et photo tirés du Allô Police, avril 1977.